Il y a quelques jours, j’étais en appel vidéo avec mon cousin quand je fus soudainement frappé par quelque chose. Chacun était alors occupé à autre chose ; lui jouait à un jeu-vidéo et moi, je regardais une série. Nous étions à plus de 5000 kilomètres de distance, nous ne parlions même pas, mais faisions pourtant l’expérience de la présence à l’autre. Le réaliser m’a émerveillé ! Cet évènement qui peut paraître anodin, m’a poussé à méditer sur l’expérience de la solitude et ce qui fait l’unité, à la lumière du second récit biblique de la création de l’humanité…
– « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ! » –
C’est Dieu qui le dit dans le deuxième récit de la création, au chapitre 2 de la Genèse. Jusqu’alors, tout n’avait été que « bon » et même « très bon », pour signifier la béatitude originelle à laquelle sont ordonnées toutes les œuvres de ses mains, l’être humain en particulier. À ce stade de sa création, il n’est pas encore sexué, contrairement aux idées reçues. (Adam étant un nom générique, désignant l’être humain). Par ailleurs, il lui a déjà été donné pour mission de travailler et de garder l’Éden dans lequel il fut placé.
Aussi les fruits de tous les arbres du jardin, à l’exception de celui de la connaissance du bien et du mal, lui ont été offerts pour sa subsistance. Il est donc déjà pourvu d’un certain nombre d’éléments censés contribuer à son épanouissement. Toutefois, Dieu annonce un manque, au sein de l’existence de sa créature. Un manque qu’il va révéler à l’être humain lui-même, en créant autour de ce dernier, d’autres êtres vivants, susceptibles sans doute de combler sa solitude ? Il n’en sera rien !
« Il ne trouva aucune aide qui lui corresponde ». (Gen 2,20)
L’être humain nomme tous ces êtres, avant de parvenir au constat de sa solitude. Une action qui témoigne de ce qui les sépare, les différencie sur un plan qui dépasse la simple constitution biologique. Cette solitude, fruit de sa différence de nature est la manifestation de ce qui fait sa singularité. Elle lui révèle sa nature humaine et donc sa vocation à une communion interpersonnelle !
Dans l’épreuve de la solitude originelle, dans laquelle l’homme se découvre lui-même en tant que personne unique, nous pouvons, nous aussi, reconnaître toutes ces expériences relationnelles dans lesquelles nous nous apprenons. Dans les expériences de la vie amoureuse, fraternelle ou communautaire, nous nous révélons comme des personnes dotées d’aspirations, de goûts et de sensibilités qui nous font exister en tant qu’individus singuliers… Nous découvrons nos besoins, nos limites et nos frustrations personnelles. Des prises de conscience qui dès lors, peuvent nous permettre de désirer, de reconnaître ce qui nous manque, l’appel de nos cœurs… C’est l’apprentissage de sa vocation !
– « Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » –
Comment reconnaître « l’os de ses os » (Gen 2,23), si on n’a pas la connaissance de son propre « os », de son être intime et personnel, de ce qui fait que je suis un « Je », à la fois unique et différent ? C’est cela l’enjeu de l’expérience d’autodétermination à laquelle l’être humain est soumis par Dieu. En sa qualité de Père Créateur, Dieu sait bien qui est l’être humain et quelle est sa finalité, son but. Toutefois, Il a à cœur de lui permettre de se découvrir, fût-il par l’expérience de la déception, afin que « l’aide » que sa providence lui a destiné, lui apparaisse, non comme un « dû » ou le fruit du hasard, mais comme un « don ». Une expression singulière de son amour !
C’est alors qu’au sein de l’humanité va apparaître un couple dans la création du mâle “ish” et de la femelle “isha“. L’être humain ne prend aucune part active à cette opération. Dieu fait tomber sur lui un profond sommeil, signe du mystère qui accomplit l’évènement.
D’ailleurs, il convient de souligner que les biblistes nous révèlent une erreur fondamentale qui ma foi, tronque la perception que l’on se fait de la femme. Elle n’est pas issue de la « côte » de l’humain, mais de son côté. Ceci nous permet de les replacer plus aisément sur un plan égal et de réexaminer la part de féminité qui réalise la complétude de l’humanité. Cette erreur d’appréciation est amplifiée par l’exclamation du mâle, qui se prenant pour (tout) l’humain, détermine celle qui a vocation à être son secours, par rapport à lui et non à l’humanité entière. Car Ève n’est pas tirée de la côte d’Adam en tant que nom propre de l’homme de sexe masculin, mais bel et bien du côté de l’être humain.
Cette interprétation nous permet de réaliser quelque chose d’important. L’humanité est une communion de personnes partageant la même origine dans des incarnations différentes. Chacun doit accepter ses manques et ses limites, afin que l’autre puisse prendre véritablement, valeur d’aide ou de secours providentiel. C’est à ce prix que s’accomplit notre vocation à l’unité. Mais l’enjeu est d’envergure et la tentation du monopole guette ! Comme peut en témoigner la méprise du mâle, tenté de croire qu’il est le tout ! Une invitation à faire Alliance avec Dieu le Père, dans l’accueil du Christ son Verbe, qui dans l’Esprit d’Amour et de Vérité, réalise l’unité parfaite !
Unité personnelle, conjugale, fraternelle…
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Sources:
- Dominicains de Belgique. (13 sept 2016). André Wénin : La création de la Femme dans la Genèse.[Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=tozYHqXUcUI
- Extrait d’une conférence, à l’initiative de SEL 85 (Solidarité Eglise Liberté Vendée), donnée le Samedi 27 octobre 2012 avec Michèle Buret, bibliste, professeur d’hébreu à la Roche sur Yon.
Photo par Allison Heine sur Unsplash