« Je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi, je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. […] l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! »
Sainte Thérèse de Lisieux (Histoire d’une âme)
La “Sainteté” est un mot qui fait parfois un peu peur. En effet, nous l’associons à tort ou à raison à la perfection et à un héroïsme époustouflant. Ce fut d’ailleurs le cas pour la petite Thérèse Martin. Aspirant à devenir une sainte depuis sa plus tendre enfance, elle réalise assez tôt sa petitesse et le poids de ses imperfections. Je ne sais pas pour vous, mais faire face à ses défauts peut s’avérer douloureux et quelque peu décourageant. Néanmoins, loin de se décourager et sûre que “le bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables“, la jeune fille choisit de croire que l’amour de Dieu lui permettrait d’atteindre son but !
Ce courage “créatif”, pour reprendre l’expression du Pape François lui permettra “d’inventer” un chemin de Sainteté bien à elle : “la Petite Voie”. C’est à cette école que j’aimerais nous conduire aujourd’hui…
« Tous les chrétiens, en tant que baptisés, ont une égale dignité devant le Seigneur et partagent la même vocation, qui est celle de la sainteté »
Pape François
‣ Consentir à être « Enfant » de Dieu
La Petite Voie de sainte Thérèse de Lisieux est une spiritualité de “l’Enfance Spirituelle”. Elle nous rappelle notre identité fondamentale en tant que chrétiens : nous sommes des « enfants » de Dieu. Ainsi, en cette qualité, nous sommes invités à nous abandonner à l’Amour et à la Miséricorde infinie de notre Père, comme des petits enfants. L’enfant ne s’appuie pas sur ses propres forces, mais sait qu’il peut s’abandonner avec confiance à plus grand que lui. Il peut s’abandonner sans crainte dans l’ascenseur de l’amour, dans les bras tendres de son Père et y poser ses maladresses contre son cœur. Loin d’une forme d’infantilisme ou de passivité, la Petite Voie nous invite plutôt à l’humilité.
« Jésus dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »
Matthieu 19:14
‣ Consentir à « Se Recevoir » de Dieu
Dans notre ère postmoderne qui fait l’apologie de la productivité et du faire pour exister, la Petite Voie est une contre-culture. Là où on nous prêche partout le “self-made man”, la voie de l’enfance nous conduit à reconnaître que tout vient de Dieu, que “tout est grâce”. C’est de Lui que nous recevons nos bonnes œuvres. La Sainteté n’est pas ici une affaire de mérite et ne s’obtient pas au prix de nos seuls efforts. Elle est l’œuvre de la grâce du Christ qui opère en nous.
« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? »
1 Corinthiens 4:7
‣ Consentir à sa pauvreté… et à celle des autres
Sans se résigner au péché, ni à la désespérance, la Petite Voie est marquée par la conscience que l’Amour infini de la Trinité se complaît dans ce qui est faible, petit et méprisé. C’est cet Amour Infini et inconditionnel qui nous rend digne d’être aimé. Ainsi, Sainte Thérèse de Lisieux nous encourage à croire que malgré nos faiblesses, fragilités et imperfections, nous restons dignes d’être aimés. Avec la pâte de notre pauvreté, nous pouvons collaborer à la transformation du monde, en les unissant à la Croix de Jésus. Aussi, de même qu’elle nous invite à ne pas nous étonner de nos faiblesses, de même nous invite-t-elle aussi à ne pas nous étonner de celles des autres.
« Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. »
2 Corinthiens 12:9-10
‣ Consentir à l’héroïsme dans la vie ordinaire
Enfin, la Petite Voie nous rappelle que la sainteté est un chemin à petits pas, qui ne se bâtit pas sur des actes extraordinaires, mais sur la fidélité dans les petites choses du quotidien réalisées avec amour. Oui, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous apprend que l’essentiel, ce ne sont pas nos œuvres, mais l’amour qui en est la source ! Ainsi, nous sommes invités à ne pas chercher ce qui brille ni à briller nous-mêmes, mais à rester cachés dans les bras de Jésus et à le laisser briller au travers de nous, dans nos gestes quotidiens.
« La sainteté est pour ceux qui vivent une vie ordinaire, qui peuvent se sentir seuls, et qui posent de petits gestes de tendresse et d’amour. C’est pour ceux qui sont âgés, malades, faibles, vulnérables, sans travail, qui ouvrent leur cœur à Jésus, dans la confiance et crient : ‘Viens, Seigneur Jésus, viens !’ »
Jean Vanier