À la faveur d’une petite curiosité sur la vie des saints contemporains, j’ai redécouvert le cadeau merveilleux que fut le Pape Jean-Paul II pour notre époque. En plus de sa grande Foi et de son appel incessant à s’ouvrir au Christ, seul rédempteur de l’Homme en un siècle où de nombreuses théories prétendent ici et là, combler l’homme et tout l’homme, une chose m’a particulièrement marqué chez lui : le visage de la souffrance.

Au cœur d’une civilisation hédoniste, s’il y a une réalité que l’on refuse avec la plus grande vigueur, c’est certainement la souffrance et ses corollaires. En effet, qui accepterait de fonder son bonheur dans la souffrance ? Ces deux concepts semblent par nature incompatibles. Cependant, l’un des plus grands paradoxes de la Foi Chrétienne, c’est non pas l’acceptation de la Souffrance comme inhérente à la nature humaine, mais bien le dépassement de la souffrance dans la notion du Messie Souffrant (Diamond nous en a déjà parlé dans son article d’avril 2020). Et s’il y a un Saint contemporain qui a donné une image chrétienne et surtout concrète de ce mystère, c’est bien Jean-Paul II : le pape de la jeunesse.
Tout grand prêtre, en effet, est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu (…) Il est capable de compréhension (…) car il est, lui aussi, rempli de faiblesse
Hébreux 5,1-2
L’image que j’ai de Jean-Paul II est celle d’un petit bonhomme recroquevillé sur sa crosse en forme de croix, rendant particulièrement vivante l’image du grand prêtre identifié aux souffrances du peuple. Mais de quelle souffrance parle-t-on ?
J’ai acquis il y a quelque temps un livre compilant les souvenirs des proches collaborateurs du Pape Jean-Paul II, lors des derniers moments de sa vie. Ce qui me toucha particulièrement au point de m’arracher quelques larmes, ce fut le rapport personnel du Saint Père à la souffrance. Je reste marqué par son apparition au balcon de la place Saint Pierre, un jour où la maladie l’empêcha de parler et de prononcer la bénédiction. On peut se demander : qu’est-ce qu’un prêtre, qu’est-ce qu’un évêque, qu’est-ce qu’un pape privé de parole, cloué dans son lit, incapable d’être proactif ?

Un ami prêtre me disait que l’une des facettes les plus gratifiantes du sacerdoce se vit lorsque la souffrance de la vieillesse commence et que la chaleur de la proximité des fidèles baisse, au profit d’une solitude avec Dieu. Une certaine authenticité dans le sacerdoce se révèle là où l’on pense que la maladie nous rend inutile. C’est à ce moment que notre douleur devient participation à l’œuvre du Christ. Jean-Paul II disait :
« Le pape aussi doit souffrir, pour que le monde et chaque famille se rendent compte qu’il y a un Évangile […] supérieur : l’Évangile de la souffrance… ».
C’est ainsi que les dernières années de son ministère furent marquées par la douleur, l’impossibilité de marcher, de parler, mais il porta sa croix avec force, patience, sérénité et surtout foi. Son infirmité a révélé au monde qu’il était un homme faible qui trouve son essence dans la prière.

Comprendre cet Évangile de la souffrance qu’il proclamait sans paroles, me révèle en ce monde marqué par la performance, l’utilité et le bien-être proclamé à outrance que tout malheur n’est malheur que si l’on perd l’espérance et que l’on oublie le Messie-Crucifié. En effet, d’après le Saint Pape,
« C’est en regardant le Christ et en le suivant avec une confiance patiente que nous parvenons à comprendre que toute forme humaine de douleur contient en elle une promesse divine de salut et de joie ».
Au cœur des souffrances, des douleurs, des contresens et des insatisfactions, nous pouvons lever les yeux vers le Christ et lui offrir les motifs de nos peines, car il n’est jamais un étranger, mais l’hôte intérieur qui se révèle à nous dans le silence.

Dans mes moments de grande tristesse, une image me revient : celle de Simon de Cyrène qui au fond ne demandait qu’à passer son chemin, mais se retrouva à aider un pauvre miséreux sur le chemin de sa mort, prenant part à sa souffrance. Cela me permet de comprendre que la souffrance si elle est offerte, soulage ; elle n’est qu’une passerelle vers plus d’amour et un plus fort lien.
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Je ne saurais terminer sans souligner que l’Évangile de la souffrance n’est ni du dolorisme, ni du défaitisme. D’ailleurs, le Pape avait à cœur de combattre toutes les formes de misères morales de par le monde. Néanmoins, cette facette de l’Évangile aide justement à vivre la souffrance et à la traverser.
« Ce qui manque aux détresses du Christ, je l’achève dans ma chair en faveur de son corps qui est l’Église » (Col 1, 24).
1 comment
Merci St Jean-Paul II de nous avoir appris l’Évangile de la souffrance