Hier matin, j’ai eu la grâce de tomber sur un passage de l’Évangile de saint Jean qui m’a beaucoup touché. C’est le genre de paroles toute simples en apparence que Jésus prononce, mais en même temps tellement déroutantes qu’elles obligent à marquer un temps d’arrêt et à sérieusement s’interroger.
Je crois que c’est un peu sa spécialité ; cette façon de surprendre, de ne pas toujours être là où on l’attend, où on le veut, de toujours un peu nous échapper… C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il nous est donné de le retrouver.
De l’autre côté de la Rive…
C’est après l’épisode de la multiplication des pains. Le Christ vient d’accomplir un signe extraordinaire ; rassasiant cinq mille hommes à partir de cinq pains et deux poissons ! Après cela, anticipant l’euphorie et les velléités d’un peuple enclin à se saisir de Lui pour le sacrer Roi, Il file à l’anglaise tout bonnement et simplement… Sacré Jésus !
On pourrait d’ores et déjà se demander pourquoi est-ce-que Jésus échappe à ce peuple et à leur agenda politique. La raison est simple : Leurs chemins ne sont pas ceux du Père1 et Il n’y a que du Père que le Christ reçoit son agir. Il le déclarera ailleurs avec la fermeté qu’on lui connaît :
Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre
(Jn 4,34)
Dans son refus de succomber aux fantasmes et à l’instrumentalisation, Jésus révèle et réaffirme son identité de Fils de Dieu. Cette conscience filiale le guidera tout au long de sa vie. On le remarque dès sa jeunesse.
Souvenons-nous de l’épisode de Luc 2 (41-52) où à 12 ans déjà, il échappe à la vigilance de ses parents lors des festivités de la Pâque Juive, à Jérusalem, pour demeurer au temple… Face à l’angoisse de Joseph et de Marie, il prétextera : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? 2»
Même aux heures les plus sombres de son existence, Il gardera la même ligne de conduite. À Gehtsémani, « non pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux 3 » et sur la croix, « Père, entre Tes mains, je remets mon esprit 4 ».
Le Pain du ciel !
De la crèche au crucifiement, le Christ aura été fidèle, obéissant et loyal à un Dieu dont Il révèle la paternité, l’autorité et la pourvoyance. C’est ainsi qu’aux disciples qui lui demandèrent comment prier, Jésus dira :
« Quand vous priez, dites, Père »
(Lc 11,2)
La prière du Notre Père est une école. En l’enseignant aux apôtres, Jésus n’a pas voulu transmettre que des formules, Il a voulu léguer une spiritualité ; un mode de vie… Quand on appelle Dieu, « Père », Il cesse d’être une idée lointaine. Il prend tout de suite une image plus familière, plus chaleureuse, plus bienveillante et plus intime.
À cette école, nous apprenons comment vivre par Lui, avec Lui et en Lui.
Mais revenons à notre texte… La foule finit par le retrouver et le questionner. Cependant, le Maître n’est pas dupe !
Vous me cherchez parce que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau.
Jean 6,26-27
Et toc ! Le peuple interloqué demandera alors à Jésus : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Cette question fait partie de celles qui ont tendance à nous hanter : « Qu’est-ce-que Dieu attend de moi ? », « Quelle est ma vocation ? » ou tout simplement : « Que faire ? »
Un appel au cœur
L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé
C’est ce que Jésus répond, non seulement aux foules, mais à nous ! En lisant ça, on a envie de dire : « Sérieux !? », « C’est tout ? » ou « Mais encore ? » Et pourtant…
Comme je le laissais déjà entendre, cette réponse bouscule. Là où on demande des œuvres, des actions, des choses à faire, nous sommes renvoyés à une attitude, à un retournement : c’est un appel à la conversion !
En effet, c’est à notre être intérieur que le Seigneur s’adresse ; à ce qui sous-tend, conditionne ou motive nos actions : nos angoisses, nos hantises, nos obsessions… Il ne s’agit pas tant de faire, mais d’être, de se laisser faire, se donner, s’offrir à Dieu, le maître d’œuvre, dans la confiance. Oui, comme avec Marthe et Marie de Béthanie, Le Christ révèle l’unique nécessaire : Croire !
Croire en Dieu, en Sa Parole, à Son Fils, à Son Esprit, Son Église… N’est-ce-pas déjà tout un programme ? C’est le programme de toute une vie.
Mais rassurons-nous, car comme l’a aussi dit Jésus : si nous croyons, nous verrons La Gloire de Dieu 5 ! (Jn 11,40)
- Ésaïe 55,8 – 2. Luc 2,40 – 3. Matthieu 26,39 – 4. Luc 23,46 – 5. Jean 11,40
Photo de Couverture par Nicolas Lobos sur Unsplash