« Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. » Ésaïe 50:4-5
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Hier matin, j’ai eu la grâce de tomber sur un passage de l’évangile de Saint Jean qui m’a profondément interpellé. C’est le genre de phrases en apparence toute simples que le Christ prononce, mais qui sont en même temps tellement déroutantes, qu’elles t’obligent à marquer un temps d’arrêt et à sérieusement t’interroger…
Je crois que c’est un peu la spécialité de Jésus ; cette façon de nous surprendre, de ne pas toujours être là où on l’attend, où on le veut, de toujours un peu nous échapper… C’est d’ailleurs un peu dans ce contexte qu’il m’est donné de le retrouver.
Nous sommes en Jean 6 (22-29)
Après l’épisode de la multiplication des pains. Notre cher Maître vient d’accomplir un signe prodigieux ; rassasiant cinq mille hommes grâce au modeste encas d’un petit enfant ! Juste cinq pains et deux poissons ! Voilà ce qu’Il lui aura fallu pour accomplir l’extraordinaire. Après cela, anticipant l’euphorie collective et les velléités d’un peuple qui succomberait à la tentation de se saisir de lui pour le sacrer Roi, Il file à l’anglaise tout bonnement et simplement… Sacré Jésus !
On peut d’ores et déjà se demander pourquoi Jésus échappe à ce peuple et à leur alléchant agenda. Eh bien la raison est simple : Leurs chemins ne sont pas ceux du Père ! (Ésaïe 55:8) et Il n’y a que du Père que le Christ reçoit son agir ! Il le déclarera d’ailleurs avec la fermeté qu’on lui connaît :
« Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre »
Jean 4: 34
Dans cette réponse magistrale, dans son refus de succomber à toutes les fantaisies, caprices et facéties de ceux qui l’entourent, Jésus révèle qu’Il a un objectif clair, une mission précise et une obéissance doublée d’une fidélité sans faille à la volonté de son Père.
Cette attitude filiale, à la fois confiante et constante, le guidera tout au long de sa vie terrestre. On le remarque dès sa plus tendre jeunesse ! Souvenons-nous de l’épisode de Luc 2 (41-52) où à 12 ans déjà, il échappe à la vigilance de ses parents lors des festivités de la Pâque Juive, à Jérusalem… Devant l’angoisse de Joseph et Marie, ses parents, il rétorquera : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Même aux heures les plus sombres de son existence, Il gardera la même ligne de conduite. À Gehtsémani, « non pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux » et sur la croix, « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ».
“Notre Père”…
De la crèche au crucifiement, le Christ aura été fidèle, obéissant, loyal à un Dieu dont Il révèle la paternité, la primauté et la préséance, non seulement sur son existence, mais sur la nôtre. D’ailleurs, c’est cela, le sens de la prière du « Notre Père ». Une Prière qui pour rappel, est un enseignement du Christ à ses disciples qui lui demandaient comment prier, c’est-à-dire dialoguer avec Dieu, se mettre en relation avec Lui.
Plus qu’une prière, il y a là révélation du principe originel de la relation des hommes avec Dieu/en Dieu ; le principe de la « filialité » ; un lien de fils et de filles enracinés dans la foi : l’assurance qu’ils reçoivent TOUT de Dieu : leur vie, leur identité, leur mission, leur avenir…
Plus qu’un discours, je le redis, c’est une révélation ! Le dévoilement d’une vérité qui nous dépasse et donc qui choque ! Elle choquait déjà les autorités religieuses de l’époque, qui trouvaient dans la prétention de ce nazaréen à se proclamer « Fils de Dieu », un impardonnable blasphème.
Aujourd’hui encore, elle choque ceux qui défendent un Dieu qui ne peut engendrer et insupporte tout autant, ceux qui ne croient pas en une quelconque origine surnaturelle de l’homme.
Qu’importe, le Christ l’affirme et le défendra jusqu’à la mort ! Dieu est Père, Il est Fils et par l’opération surnaturelle de l’Esprit-Saint, nous sommes rendus semblables à Lui, le Fils premier-né et co-héritons de la vie divine, infinie, éternellement nouvelle ! Époustouflant non ?
Bref, revenons à notre texte… La foule rassasiée qui cherchait Jésus, finit par le retrouver et à le questionner sur son départ. Le Maître n’est cependant pas dupe !
« Vous me cherchez (…) parce que (…) vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Jean 6,26-27
Encore une référence à la nourriture ! Le peuple insistant demandera à Jésus : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Cette question fait partie de celle qui à tendance à nous hanter… « Qu’est-ce-que Dieu attend de moi ? » Eh bien, c’est là que Jésus va surprendre :
« L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé »
En lisant ça, on a envie de se dire : « c’est tout ? » ou « Mais encore ? » Et pourtant… Comme je le laissais déjà entendre, la réponse déconcerte. Là où on demande au Christ des œuvres, des “actions” ou des tâches, voir des règles comme on aime si bien, le Christ nous renvoie à une attitude ! Il n’est pas tant question du faire, mais de l’être ! D’une qualité d’être, d’une disposition de cœur : la confiance !
Le Christ nous ramène à la foi ! Pas juste croire en un vague concept divin, mais reconnaître en Lui, « l’image visible du Dieu invisible » (col 1:15), son Verbe (Logos) incarné dans le monde, en vue du Salut !
Au milieu de nos agitations, de l’obsession de la productivité et de la performance, le Christ nous indique, comme avec Marthe et Marie de Béthanie, la seule chose nécessaire ! Croire au Fils de Dieu, être disponible et obéissant à la Parole déjà révélée, se nourrir de son corps et de son sang… N’est-ce-pas déjà tout un programme ?
C’est dans cette attitude confiante de fils et de filles, que tout le reste nous est donné. On ne peut rien faire pour Dieu si l’on est pas au préalable enraciné en son Verbe : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » – Jean 15:5
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En conclusion de cette méditation, permettez-moi d’honorer tout particulièrement celle qui pour moi incarne le modèle par excellence de cette vertu de foi. Pour moi, c’est la première chrétienne, la première fidèle, la première disciple. C’est d’ailleurs en cela qu’elle est pour nous une mère. Une mère dans l’Esprit et j’ose dire aussi dans la chair…
C’est que dans cette chair, la Vierge Marie a enfanté par une grâce inouïe « Le Mystère » qui dévoile la paternité de Dieu. Conséquence d’une disponibilité et d’une union à la Trinité telle, qu’à sa simple salutation, sa cousine Élizabeth, effusée dans l’Esprit proclamera :
« Heureuse celle qui a CRU à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » – Luc 1:45
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